mardi 20 septembre 2011

Réquisitoire contre l'opposition camerounaise


Les illusions perdues*
20 ans après les années de braises, l’opposition camerounaise prend les mêmes travers et… recommence. Dans ces conditions, il est urgent, dans la perspective de la prochaine présidentielle, de mettre à la retraite la bande de 90. Ce qui pourrait donner lieu à un jeu politique plus sain et mieux à même de permettre une alternance démocratique avec une " opposition nouvelle ", plus digne de confiance, plus cohérente et moins alimentaire. 

1990. Le vent vient d’est toute. Soufflant avec énergie, il se gonfle, sur le continent, d’une soif de liberté et de libération. De démocratie. Lâché non pas par la providence, mais nourri par la sueur de populations exténuées par plusieurs années de dictatures et d’obscurantisme au sommet des Etats.

La Glasnost et la Perestroïka soviétiques font valser les sens avec les chambardements qu’elles entraînent depuis la très conservatrice Union des républiques socialistes soviétiques d’un Mikhaïl Gorbatchev décidé, avec les Américains, à faire tomber le Rideau de fer. La Chute du mur de Berlin à mille lieues d’ici, le déboulonnement de la stature d’un Ceaucescu devenue improbable, un discours inattendu de François Mitterrand - appelant ses « élèves » alors réunis à La Baule à l’occasion d’un sommet Afrique-France à un véritable renouveau -, vont contribuer à donner de l’ampleur à cette énergie centrifuge qui embrase un peu tout sur son passage.

Le téléphone mobile est alors une fiction à peine compréhensible sur le Continent. Il n’y a, comme on l’observe dans le Maghreb, ni Internet ni Facebook et encore moins Tweeter. Pourtant, l’Afrique est en fumée. Roues et rues brûlent. Jeunes et moins jeunes s’y rassemblent et, pour beaucoup, y laissent leurs vies. On y meurt de balles réelles, de lynchage, de règlement de compte, d’assassinat et même par piétinement, dira un jour le toujours inégalé Augustin Kontchou Kouomeni à qui les pourfendeurs d’hier donnent aujourd’hui du « Zéro Mort » avec révérence.

A l’époque au Cameroun, le téléphone arabe fonctionne peut-être de manière aussi efficace que l’ensemble des réseaux actuels de téléphonie. Alors que l’airain des années Ahidjo et de sa police ne s’est pas totalement allégé, beaucoup se moquent proprement d’être mis sur les tables d’écoute d’un Jean Fochivé dépassé par des événements jamais vus au cours des 20 dernières années. Les services de renseignement sont pris dans le tournis d’informations qui vrillent à la seconde. Il faudra, au Edgard Hoover camerounais, du temps pour reprendre la main avec, notamment, la transformation de centaines de véhicules sous douane au port de Douala, en taxis peints à la sauvette et conduits par des policiers « tunés » en taximen aux crânes nus.

La presse est reine avec des tirages aux nombres plus jamais atteints. Les villes mortes menacent d’ébranler définitivement une économie fragile. L’Onu n’est pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui, malgré les cris désespérés d’une ambassadrice des Etats-Unis, Frances Cook, dont on se demande encore comment elle est repartie sans en venir aux mains avec les autorités camerounaises.

Il est possible que face à la bourrasque inédite, les puissances à l’époque n’aient pas su, comme elles le font aujourd’hui, intervenir pour « accompagner » les peuples dans leurs desseins. A leur tête, les Etats-Unis, la France ou la Grande Bretagne ont des dirigeants qui n’ont ni l’âge ni la fougue de ceux d’aujourd’hui. La géopolitique et la géostratégie ne sont pas propices comme elles le sont aujourd’hui. La Chine n’est pas aussi pressante par exemple. Il n’y a donc personne, dans cet Occident scotchés sur ses avantages en post-colonies, pour dire, comme on l’entend aujourd’hui, que la France ou les Etats-Unis seront aux côtés des aspirations populaires.

Au Mali, Moussa Traoré tombe, définitivement renversé par un chef d’Etat-major qui sait le peuple déterminé et l’opposition groupée, refusant toute concession. Amadou Toumani Touré (ATT) prend le pouvoir, l’ordonne avec une certaine réussite, organise la première élection démocratique et pluraliste transparente après une conférence nationale souveraine remarquée. Il cèdera le pouvoir à la fin du job, avant de le reconquérir démocratiquement et en civil cette fois-là. Depuis lors, il est devenu en Afrique une légende vivante en matière de respect des règles de la démocratie. Il est entré dans l’histoire. En même temps que Alpha Omar Konaré, son successeur/prédécesseur parti du pouvoir après deux mandats. Gentleman, ce dernier a refusé de tripatouiller la constitution dans ce pays aujourd’hui si attaché à ses acquis. ATT, en poste, n’a-t-il pas pris récemment l’engagement de ne pas se représenter lui aussi, après deux mandants bien remplis !

Au Bénin, Mathieu Kérékou tombe. Avant de revenir plus tard. Pour un mandat c’est vrai. La détermination du « peuple souverain » et l’unité déterminée de la rue ont eu raison de sa dictature. Il est tombé face à une opposition là aussi unie jusqu’à la conférence nationale souveraine.

Au Congo, les mêmes causes produisent les mêmes effets. A l’issue d’une conférence nationale souveraine suivie religieusement par le Cameroun entier, la page Sassou I est tournée. Ouvrant une nouvelle ère. Plus improbable, c’est vrai.

D’autres pays soufflent le chaud et le froid. Avec des destins plus ou moins heureux. On remarquera que partout où l’opposition a tenu, où les refondations se sont faites dans le cadre des Conférences nationales, avec de nouvelles lois fondamentales acceptées parce que venant d’un large consensus, la construction démocratique a meilleure vitrine.

Aux aurores de la contestation au Cameroun, transfuges de l’Upc et membres de la société civile manoeuvrent à l’ombre. Avec une méthode et un liant nourris d’envie et de détermination commune. Avec cette manière propre aux agitateurs d’idées. Avec emphase et sans prétentions personnelles affichées. Avec la même finalité : « libérer le pays ».

Dominique Djeukam Tchameni, brillant ingénieur aux commandes de Cap Liberté, donne le tournis au pouvoir ; Jean-Michel Nitcheu, imprimeur et père de l’ancêtre du mouvement de Djeukam, force l’admiration avec son irrévérencieux comité de soutien à Monga-Njawé pris dans l’étau d’un procès kafkaïen ; le même Jean-Michel Nitcheu jamais intimidé par la fougue policière et des camions à eau plus que jamais alimentés de substances qui ne sont pas seulement nauséeuses pour leurs chimistes de service ; Guerandi Mbara, ancien militaire réfugié au Burkina ; Anicet Ekanè ou Henriette Ekwe avec leurs méthodes d’actions éprouvées et empruntées à la Feanf, puis à l’Unek, officines clandestines de l’Upc fréquentées alors par de nombreux étudiants camerounais en France ; Me Yondo Mandengue Black et, semble-t-il, une loge maçonnique basée à Douala qui rêve de donner forme à une réputation de bâtisseur qui constitue la pierre d’angle de cette organisation ; Me Ngallè Miano, et l’outrecuidance de la toge ; le barreau des Mes Bernard Muna, Doualla Moutomè ou encore de Charles Tchoungang dont l’élégance juridique et le serment d’avocats soudain fiers retentissent avec une certaine assurance ; Célestin Monga et l’irrévérence gutturale de ses lettres ouvertes qui transforment chaque édition du « Messager » de Pius Njawe en des sortes de petits pains tirés à 80 voire 100.000 exemplaires certains soirs de clandestinité ; Pius Njawé qui sait mettre son journal au service de la pensée et de la cause ; suivi par le jeune et impétueux Sévérin Tchounkeu (La nouvelle expression) et Benjamin Zebaze de Challenge Hebdo : les trois fermant ainsi la boucle de la fameuse « sainte trinité » qui enlève le sommeil à Augustin Kontchou Kouomeni, pendant au Cameroun de Sharaf sous Saddam ; Garga Haman Adji et Sanda Oumarou, tous deux ministres de la République dont les démissions respectives de « la mangeoire » ont un retentissement spectaculaire dans un pays où le fait est inédit ; Robert Messi Messi dont les confidences depuis le Canada sont savamment distillées pour servir de « viatiques magiques » à un peuple désespéré et en quête de… druides ; le don du Parlement et de ses courageux princes qui transforment l’université du Cameroun et son campus unique de l’époque, en un temple enflammé et si déterminé à veiller sur le Graal de liberté espérée ; le trépidant philosophe Sindjoun Pokam ; la virulence exquise d’un Mongo Beti tiré de son exil physique pour donner sens et essence à la qualité éphémère de ces artificiers de l’arche attendue de la liberté ; Maurice Kamto et cette sereine exaspération dont le magistère fuse à la façon des sermons de pasteurs évangéliques.

Au nombre de ces personnages, dont la posture d’intellectuel rompt avec le vacarme d’aujourd’hui, il faut ajouter d’autres tels que Jean Michel Tékam, Dr Siméon Kuissu, Henri Djomgang, Moukoko Priso, Dr Mackit, Same Mbongo, Dr Albert Mukong, Elisabeth Mendomo, M. Takoudjou, Jean-Marie Tchamago ou encore le très populaire Lapiro de Mbanga. Ensemble, ils crient leur révolte et exaspération. Mais ils la crient dans un discours neuf, structuré, bâti sur la démonstration et des idées construites. Sur une stratégie qui ne va pas venir à bout du pouvoir certes, mais qui a eu le mérite d’exister et de faire trembler ce dernier.

Ces leaders d’opinion et d’autres agissent donc. Leurs actes, faussement à l’emporte-pièce sont tels que beaucoup d’observateurs ne doutent point d’une victoire du peuple sur le pouvoir répressif en place.

La mayonnaise est visiblement en train de prendre. Un plan, qualifié plus tard de « cheguévarien » par le pouvoir, est en train de river vers son port : faire tomber le régime en l’asphyxiant. Paralyser le train, couper Yaoundé du reste du pays, fermer le port de Douala et la route de l’Ouest pour affamer cette capitale à la fois tranchée et poumon du pays. Capitale qui, respirant mieux par la suite, fera dire au Président candidat au cours d’un meeting à Douala que « lorsque Yaoundé respire, le Cameroun vit ».

On en est au tout début de la crise sociale lorsqu’un ancien chef de section Rdpc (battu quelque temps auparavant lors du renouvellement des organes de base de ce parti dans la Mezam), va sortir de nulle part à la faveur de l’historique Marche de mai 1990 à Bamenda. Le pouvoir est sur le qui-vive, lit-on dans la presse et croit-on savoir au sein de l’opinion. Il est dans la rue, apprend-on sans que ceux qui le disent, le font penser ou le croient ne soient à même de « le ramasser ». Les dignitaires du régime, rapportent les rumeurs les plus folles dans le pays du « il paraît que », ne tarderont pas à prendre la poudre d’escampette, promet-on à New-Bell, Sabongari, Tsinga, Nkoulouloun, Deido, Domayo, Bépanda, Ntarikon, Down-Town, Etam Bafia et tous ces nombreux quartiers populeux prêts à en découdre avec une armée qui charge sans sommation.

On parle de milliers de passeports diplomatiques ou de service prêts à servir. Les effets de dignitaires seraient prêts à embarquer au cas où... Paul Biya et son clan seraient sur le point d’abdiquer et de fuir le pays. Il n’en sera rien au fil du temps. A l’espoir entretenu d’une capitulation annoncée, succède bientôt, à l’occasion des premières élections pluralistes post-indépendance, la douche froide de la réalité de ce Président qu’on disait tellement « cuit » que la masse n’en revient pas de le voir revigoré, triomphant sous le soleil et la pluie, parcourant le Cameroun en maniant attributs et symboles du monopole de la puissance et de l’ordre, distillant de petites phrases chocs dans des discours aux relents de revanche.

Sur l’homme de la rue point préparé, ce type de revers est dévastateur. Il n’est pas exclu que cela ait d’ailleurs contribué à asseoir le mythe d’un Président surhomme, sorte de démiurge à l’essence et à la fin de tout. Mythe ou réalité qui s’est installé(e) dans l’imaginaire collectif…

L’illusion de la Tripartite et les premières failles
Pour desserrer l’étau d’une masse furieuse après le devenu célèbre « la conférence nationale souveraine est sans objet » du Président de la République en 1990 et le « non au multipartisme » des dignitaires du régime à l’occasion d’une marche organisée sous la houlette de l’ancien délégué du gouvernement Basile Emah dans les rues de Yaoundé, le pouvoir consent enfin à organiser des assises. Tout autour du Cameroun, la rue et l’opposition ont obtenu l’organisation d’une conférence nationale souveraine, moment de catharsis et sorte d’assemblée constituante. Ici, ce sera la… Tripartite (pouvoir, opposition, société civile).

Au Bénin, au Congo ou au Mali entre autres pays embrasés, les leaders de l’opposition, des fois à travers des radios pirates, s’organisent pour informer quotidiennement les masses. Au Cameroun, sous le prétexte de l’impérieuse confidentialité de stratégies révélées plus tard inexistantes ou tout au plus incohérentes, on demande à la masse de faire front, d’affronter les balles réelles d’une armée gonflée à bloc. On lui demande de lutter, de faire aveuglément confiance, de ne pas réfléchir, et, coup de théâtre, d’accepter cette fameuse Tripartite qui marquera la fin de l’histoire. L’une des premières trahisons, depuis le retour au multipartisme, d’une opposition surprenante, infiltrée peut-être, mais irresponsable et désormais prise en otage par des charlatans rarement inspirés. Après le coup d’Etat d’avril 84, l’opposition vient d’en perpétrer un autre non pas contre le pouvoir que ses leaders sont sensés combattre, mais contre le peuple qu’ils sont réputés défendre. Leaders de partis construits autour d’hommes plutôt que de projets viables, ils ont réussi, dans l’espace politique, à force de populisme et de poings levés, à flinguer les précurseurs de la révolte. Populiste pour la plupart, ils n’ont pas d’autre discours que le fameux « Paul Biya doit partir, fait quoi fait quoi ».

Opportuniste, sans culture du combat politique, tenue par une constellation d’équations personnelles, cette opposition-là a ainsi cueilli à froid, pour des raisons qu’on commence à comprendre, les vrais acteurs, porteurs et inspirateurs du mouvement social des « années de braise ». Les espoirs du peuple sacrifiés à l’autel d’egos surdimensionnés et d’égoïsmes grégaires.

Il y a à cette Tripartite Ni John Fru Ndi, commerçant provincial de fournitures scolaires qu’on fait passer pour un libraire. Baron déchu du Rdpc dans ce Bamenda - ville de naissance du parti des flammes -,  l’homme est obsédé par une revanche à prendre sur ses anciens camarades militants. Avec un programme politique se résumant à « Paul Biya must go ». Au vrai, avait-il la mesure des vrais pères fondateurs du Sdf ? La suite des événements apporte des réponses à suffisance. Combien de têtes coupées dans ce parti dont la base s’est sérieusement délitée ? Combien d’énergie déployée pour transformer ce parti en petite dictature dont le quartier général a tout de même réussi à trouver siège entre la cuisine et la chambre à coucher d’un « Président naturel » sur lequel pèsent toutes sortes de soupçons de collusion avec le pouvoir ? Combien d’entreprises pour liquider tous ceux qui pensaient, réfléchissaient ou essayaient de le faire ? Un parti avec à sa tête un populiste jamais à court de contradictions, si attaché à l’unité nationale qu’il ne s’est jamais senti le devoir, vingt ans après 90, de faire quelque effort pour remplir l’une des condition sine qua non pour prétendre à la magistrature suprême, à défaut de s’exprimer dans la deuxième langue officielle du pays. Un autocrate qui prône le boycotte des produits français mais loue son immeuble au Pmuc. Un politique tellement obsédé par la magistrature suprême qu’il n’a jamais prêté l’oreille à ceux qui lui suggéraient qu’une posture de député pouvait donner une tribune jamais négligeable pour un discours politique qui, c’est vrai, n’a jamais montré de génie. Quelle solution propose-t-il pour transformer le Cameroun en ce miracle économique que le peuple espère ? Qu’a-t-il fait de tous ces cerveaux qui hier donnaient la caution intellectuelle à son parti ? Qu’a-t-il entrepris, entre 1992 et 2011, lui le supposé leader de l’opposition, pour transformer la jeunesse en fer de lance du changement ? Enfin, qu’a-t-il fait pour transformer l’opposition en force face à un parti au pouvoir bien assis sur ses bases et ses avantages naturels ?

A ces curieuses assises, il y a aussi Bello Bouba Maigari, personnage lice, chiche en déclarations, débarqué dans le théâtre des opérations avec ce fameux putsch qui le place à la tête de l’Undp. Pour en faire quoi ? A l’époque, il fallait être mal inspiré pour lui poser la question. Certains cadres de ce parti en ont payé le prix, eux qui avaient eu raison de dénoncer avant la lettre le double jeu/je d’un homme visiblement en opération commandée.

On mentionnera aussi, à cette Tripartite, la présence de Adamou Ndam Njoya, trop cérébral et… bizarre ; Jean-Jacques Ekindi, vaincu avant l’heure par le populisme de ses pairs ; Woungly Massaga, un peu trop nostalgique du Che ; le stratège François Sengat Kuo, ancien tout puissant secrétaire politique du parti unique, dont l’histoire dira peut-être un jour pourquoi sa science n’a pas agi ; le plus que suspecté Augustin Frédéric Kodock et sa fameuse symbolique de la queue du serpent ; le vénérable Samuel Eboua toujours là malgré le coup d’Etat de Bello Bouba et, par la suite, une humiliante « fessée nationale souveraine » qui aurait pu mieux révolter ses amis de la « Coordination » ; Hamadou Moustapha, tranquillement couché dans un bureau de chargé de mission au Palais de l’Unité après avoir bradé aux petits amis les terrains de l’Etat à l’époque de son strapontin ministériel à l’Urbanisme ; Issa Tchiroma qui est devenu un virulent « porte-parole » du Rdpc après une période de végétation ; l’amusant Koumbi Bilitik dont on se demande ce que sont devenues ses « petites ambitions » ; Célestin Bedzigui et ses logorrhées qui finiront à la direction générale de la moribonde Société camerounaise des sacheries ; Louis Tobie Mbida et la désillusion de « la majorité Présidentielle » ; Ateba Yene alias Azombo Zero Mort resté dans le cœur de biens de Camerounais de cette époque-là ; Hyguin Pierre Paul William Aymar-Otu alias HPPW qui dit son exacerbation sans tenir compte des humeurs de son frère Basile Emah, juste de l’autre côté du trottoir ; le trublion « 1er triumvir » Gustave Essaka et ses larmoiements à la télé ; Dakollé Daïssala, l’énigmatique et incernable ; Albert Nzongang, transfuge des « forces progressistes » du Rdpc qui doit regretter ce conseil d’un aîné lui suggérant à l’époque de mener le combat de l’intérieur de ce parti ; Antar Gassagaï et son poker menteur ; le Cardinal Christian Tumi qui n’a jamais franchi le pas entre le discours du pasteur qu’il a voulu demeurer et les appels à une candidature qui aurait pu créer le consensus improbable...

Six petites voix qui finissent à la Poste
A la Tripartite donc, ceux-là et d’autres se rendent. Sans ligne directrice. Sans stratégie commune. Sans leadership aucun. Chacun avec un agenda personnel dont le pouvoir se jouera pour reprendre la main sur… la rue.

Aux sortir de ces assises, la température tombe. Il paraît que des billets de banque ont circulé par valises entières. Divisée, éclatée, « l’opposition » accepte l’idée d’une élection Présidentielle en 1992. Le peuple lui demande un candidat unique dans la mesure où le principe d’un scrutin à un tour est un cynique piège. Avait-on besoin de le rappeler. Trahissant cette rue qui les avait investis et surfant sur des gloires parfois usurpées, nos « leaders d’opposition » alimentaire ( ?) ont oublié l’essence de leurs nouveaux statuts, et s’y sont vendus à la manière de belles de nuits les mauvais soirs. On connaît les conséquences de cette autre trahison commise sur le sang des martyrs des années de braise. C’est le début de la méfiance vis-à-vis d’opposants qui n’inspirent que défiance aux yeux de la plupart des Camerounais.

Avant la Présidentielle du 11 octobre 1992 à laquelle l’opposition se rend dispersée, divisée, réunie pour certains au sein d’une « coordination » tellement fragile et impubère qu’elle n’a pas tenu le temps d’une… rose, elle a manqué un autre rendez-vous avec l’histoire. Le rendez-vous de l’élection législative de 1992 organisée quelques mois plus tôt, en mars. Occasion qu’elle aurait pu transformer en retentissant rattrapage après l’échec de la Tripartite dont les résolutions, en trompe l’œil sont, pour nombre d’entre elles, inappliquées à ce jour.

Mal inspirés ou agissant de manière consciente, nos « opposants » ont tellement consacré leur énergie à se demander s’il fallait y aller ou pas que le moment venu, ils ont agi exactement comme ils devaient l’espérer au fond d’eux-mêmes. Y aller en bande dispersée pour, pensaient certains, quadriller chacun en ce qui le concerne sa zone d’influence et pour d’autres, évaluer les forces et dégager un leadership qu’on aurait bien pu trouver par le biais de ces primaires souhaitées par une partie de l’opinion mais jamais organisées.

De manière inexpliquée (?), Ni John Fru Ndi engage son parti dans le boycott de ce scrutin législatif. Dans son fief de la zone anglophone, à l’Ouest, dans le Wouri et le Moungo majoritairement aux couleurs de ce parti tenu par un vendeur de manuels scolaires, le Rdpc peut ainsi récolter de précieuses voix. A l’époque, et malgré la déculotté de la Tripartite, le leader du Sdf fait croire que cette fois-ci, avec cette politique de la chaise vide, il viendra à bout du crédit d’un pouvoir qui, au fond, n’en a cure. Et, peut-être, l’y a poussé.

Il n’est pas seul dans cette logique incompréhensible dans un contexte où les tensions sourdent encore. D’autres partis le suivent. Les regrets viendront bientôt.

A cette première élection législative après le retour du multipartisme au Cameroun, le Rdpc n’a pas pu, malgré la fraude et des sous-préfets aux ordres, faire mieux qu’une majorité relative à l’issue du scrutin. Sur 180 sièges à pourvoir, le parti des flammes en a obtenu 88. Il lui en manque 2 pour respirer. Suivent l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp de Bello Bouba) avec 68 sièges, 18 pour l’Union des populations du Cameroun (Upc d’Augustin Frédérick Kodock) et 6 pour le Mouvement démocratique pour la défense de la République (Mdr de Dakollé Daïssala). Soit un total de 92 sièges pour l’opposition. La majorité absolue…

Si la configuration de l’Assemblée nationale respecte alors le verdict des urnes, il est presque impossible au Rdpc de gouverner seul. Et peut-être même de gouverner tout court. A quelques mois de l’élection Présidentielle annoncée en octobre, il est évident que l’opposition ainsi sortie des urnes tient entre ses mains, à travers cette majorité absolue au parlement, les clés de ce changement auquel aspire le peuple. La clé d’une réorganisation du paysage politique.

Ensemble, l’Undp, l’Upc et le Mdr peuvent changer le cours de l’histoire en restant fermes sur leur engagement vis-à-vis de ce peuple souverain qui les a investi pour s’adresser en son nom. A travers ces représentants, une frange de la population rêve d’une opposition parlementaire qui s’entende au moins sur une plate-forme de gouvernement, et qui engage les réformes, toilette la constitution, pèse sur l’organisation de la Présidentielle annoncée, porte cet espoir pour lequel des milliers de compatriotes ont donné tout ce qu’ils avaient ou pouvaient. Et même leur vie, pour des centaines d’entre eux…

Le peuple attend donc. Parfois dans l’expectative. Jusqu’à la trahison du Mdr de M. Dakollé Daïssala qui a accepté de faire alliance avec le Rdpc (ses six voix donnent la majorité absolue au parti de Paul Biya).

A ce propos, il n’est pas accessoire de rappeler les éléments annonciateurs de ces actes de traîtrise à répétition et de ces démissions programmées.

Le 13 février 1991, date anniversaire de quelqu’un, le Cameroun renoue officiellement avec le multipartisme. Les premiers partis politiques sont légalisés. Bien partie pour fédérer un peuple nostalgique, l’Upc donne le « la » des guerres de personnes pour le leadership là où on l’attend sur le terrain du pragmatisme. La guerre du crabe bat son plein, entre soupçons, trahisons et collusions avec le pouvoir. Augustin Frédéric Kodock et feu Dika Akwa sont à la manœuvre. Agis par un pouvoir auquel on ne peut pas objectivement faire le reproche de jouer de tous les moyens pour tenir face aux vents défavorables. La politique n’est-elle pas le lieu de tout, sauf des sentiments ?

Le Sdf n’est pas encore le grand parti qu’il deviendra. Avec à sa tête Samuel Eboua au commencement, l’Undp surfe sur la vague de la nostalgie du passé et d’un Ahmadou Ahidjo soudain réhabilité dans les cœurs et sur les uniformes de l’ancien parti unique qui sortent des cachettes. Le parti déplace les masses. Tenu par cet ancien secrétaire général d’Ahidjo et comptant en son sein plusieurs pontes de l’ancien régime, le parti de Samuel Eboua va s’ouvrir aux déçus, nombreux, du système Biya. Il recrute ses sympathisants dans la partie septentrionale du pays. Mais pas seulement. Beaucoup de Camerounais du sud du pays le portent dans leurs espérances et gonflent ses rangs.

C’était compter sans le joker Bello Bouba Maïgari de « retour d’exil ». Samuel Eboua va l’accueillir à l’aéroport international de Douala bondé de Camerounais de tous les horizons, de tous les âges, des deux sexes. L’ancien Sg/PR d’Ahidjo s’imaginait-il, à cet instant-là, que l’ancien Premier ministre de Paul Biya allait être, quelques mois après, son bourreau et l’assassin de l’aspiration de millions de Camerounais dont beaucoup, c’est vrai, avaient choisi l’illusion de la tribu à la perspective d’un rassemblement national.

Divisions traîtresses en 92 donc avec la « Coordination ». Traîtrises en 97 avec « L’union pour le changement ». Trahison en 2004 avec la Coalition.

Fru Ndi claque la porte en pidjin et nous envoie paître
En 2004 justement, le peuple désabusé et dégoûté par les divisions de son opposition ne se fait plus aucune illusion, lorsque les mêmes leaders donnent l’impression de vouloir exorciser les démons du passé, avec un projet sous forme d’aveu : « la coalition pour la réconciliation et la reconstruction nationale ». Réconciliation avec le peuple maintes fois trahi ? Avec à la clé un projet de reconstruction enfin ? Toujours est-il que ce nouveau « regroupement » fait illusion auprès de quelques incrédules en ces temps où, révoqué du gouvernement et en chômage de fait, M. Edouard Akame Mfoumou, ancien Secrétaire général de la Présidence de la République sous Paul Biya et non moins tout-puissant ministre des Finances dans l’un de ses gouvernements, est annoncé partant par une partie de la presse comme candidat potentiel.

En fait de candidature, les échos de la presse font état de réunions organisées par certaines personnes connues, dont le philosophe et contestataire Sindjoun Pokam et Shanda Tomne, connu, lui, pour ses chroniques au « Messager ». Tous deux proches ou matières grises de ce La’akam des bamiléké auquel certains attribuent un pouvoir suranné, ces personnalités de l’opposition de la première heure sont déterminées et convaincues de ce que seul ce candidat inespéré est à mesure de remobiliser l’opposition, de déstabiliser le Rdpc, de recréer un certain intérêt au sein de l’opinion et de porter les espoirs d’une alternance face au Président sortant.

L’opinion se met à spéculer, à frémir, à y croire alors qu’en aucun moment M. Edouard Akame Mfoumou n’a pris de position publique. Il faut dire qu’au crédit de cette candidature possible, il y a le fait que M. Akame Mfoumou jouit de qualités reconnues de haut commis de l’Etat, de gestionnaire compétent et d’être originaire du même département que le chef de l’Etat - le Dja et Lobo dans le Sud du pays. Il y a donc sa capacité à pouvoir mobiliser une partie de l’électorat beti dans un contexte où les pesanteurs tribales sont un fait. Ses relations à l’international, les réseaux qu’on met sur le compte de ses nombreuses années passées à d’importants postes de responsabilité, les moyens financiers que ses réseaux et lui auraient accumulés au bout de tant de temps en ayant en gestion les régies financières de l’Etat sont d’autres avantages. Avantages auxquels certains associent l’effet de panique causé dans un passé plus ou moins récent par l’éventualité ou l’annonce des candidatures du regretté Victor Ayissi Mvondo (ancien tout-puissant ministre de l’Administration territoriale sous Ahidjo décédé à quelques encablures de l’échéance) et de Titus Edzoa, ponte du système Biya emprisonné depuis 1997.

Alors que l’idée de la candidature de M. Edouard Akame Mfoumou prospère avec, semble-t-il, de fortes chances d’être concrétisée, la fameuse Coalition pour la réconciliation et la reconstruction nationale donne l’impression de vouloir véritablement proposer, cette fois-ci, une candidature de consensus soutenue par une dizaine de partis politiques, dont les plus importants à l’époque, en dehors de l’Undp. Sorte d’héritier de la défunte Coordination des partis de l’opposition, ce regroupement multiplie les réunions de travail avec pour objet un programme commun de gouvernement et la désignation d’un candidat unique.

Les plénipotentiaires du Sdf de Ni John Fru Ndi, de l’Udc d’Adamou Ndam Njoya, du Mldc de Marcel Yondo, d’Antar Gassagaï, de Sanda Oumarou, de l’Upc-H de Hogbe Nlend, du Mdp dont Moukouri est devenu le Président, après le décès de Samuel Eboua, et d’autres partis encore « travaillent avec acharnement ». A quelques mois de la Présidentielle, ils produisent un programme prioritaire. Programme contenu dans 20 points que certains candidats ont d’ailleurs, en cette année électorale, recopié en le brandissant comme viatique dans la perspective de la prochaine Présidentielle du 9 octobre.

Parmi les critères retenus par ces plénipotentiaires de la Coalition, on en citera ici les trois principaux qui, malgré leur objectivité, ont irrité « certaine » partie prenante. Il faut, en plus d’être à la tête d’une formation politique ou association signataire de la plateforme de cette Coalition, être (1) parfaitement bilingue, (2) apporter la preuve d’une bonne maîtrise des rouages de l’administration et (3) jouir d’une certaine aura sur le plan international.

A la réunion de finalisation de ces critères, le Sdf est représenté par au moins trois plénipotentiaires, dont le Pr Asongany qui compte parmi ses matières grises. Ces résolutions arrêtées et acceptées de tous, il faut à présent élire le fameux candidat unique.

Proposée au cours d’une sorte de forum de ces formations politiques par Sindjoun Pokam et Shanda Ntomne, la candidature de M. Edouard Akame Mfoumou, absent, est rejetée. On lui fait le reproche de n’avoir pas expressément démissionné du Rdpc et de n’avoir pas signé la plateforme de la Coalition. Aux suivants…

Sont donc candidats à la candidature, Sanda Oumarou, Adamou Ndam Njoya et Ni John Fru Ndi. Le vote peut commencer. Issa Tchiroma Bakary, l’actuel ministre de la Communication est au pupitre. C’est lui qui préside. Adamou Ndam Njoya est désigné par la voix des urnes. Alors que certains applaudissent, Ni John Fru Ndi se lève, vert de colère, crie à un complot que lui seul voit et claque la porte des assises. « Je ne peux pas avoir 20 wagons et me faire conduire par quelqu’un qui n’en a que deux ». Allusion faite au nombre de députés du Sdf et de l’Udc à l’Assemblée nationale ? Qui sait ?

Toujours est-il que le chairman du Sdf est suivi par certains plénipotentiaires et quelques pairs. L’un essayera de le dissuader d’apparaître une fois de plus comme celui qui divise l’opposition camerounaise depuis 1992. « Vous ne pouvez pas faire ça chairman. Vous n’allez pas donner l’image d’un leader irresponsable », témoigne l’un des acteurs avant de rappeler cette phrase d’un chef de parti qui fait mouche : « Vous savez, un train peut avoir 20 wagons. S’il n’a pas une bonne locomotive, il n’ira nulle part ». Fin de Fru Ndi. Qui s’en va. Comme à l’époque de la Coordination où les votes démocratiques n’avaient de sens que s’ils lui convenaient.

A la Présidentielle de 2004, le candidat de cette Coalition fragilisée par le départ de Ni John Fru Ndi fera pâle figure. Le chef du Sdf lui-même sera battu à plate couture. Humilié. Par un peuple rageur ? Toujours est-il que le candidat du Rdpc passe avec un score stalinien. L’opposition veut se cacher, comme d’habitude, derrière le prétexte de fraudes, tout à fait sans conséquences majeures sur l’issue - du reste attendue - du scrutin.

Tandis que le Rdpc noyautait le terrain, l’opposition balbutiait comme tétanisée par une force occulte qui l’empêchait, depuis le temps et malgré l’émergence des nouvelles technologies, à contrôler les bureaux de vote sur l’ensemble du territoire. S’est-elle jamais donnée d’ailleurs les moyens d’une telle entreprise, malgré l’appui de pays et organisations étrangères ? En 2011, est-elle seulement au courant, dans sa grande majorité, de combien l’utilisation de Facebook a été déterminante dans l’élection de Barack Obama dans une Amérique qui ne s’imaginait pas un Noir à sa tête avant plusieurs décennies.

Le temps a passé depuis la proclamation de la victoire de Paul Biya en 2004. Le quotidien reprend son train. Ni John Fru Ndi retourne à sa « chefferie » à Bamenda. Ndam Njoya à son ordinaire entre paperasses à Yaoundé et « tomates » à Foumban. Il rumine sa défaite. Jure que plus jamais il ne soutiendra Fru Ndi. A certains proches, dit « tout le bien » qu’il pense de ce dernier. Il en est là lorsque des propositions viennent d’Etoudi. Le Président de la République, apprend-on, souhaite travailler avec cet ancien ministre de l’Education nationale resté dans l’esprit de plusieurs générations à travers la légende de sa rigueur et de son goût de l’excellence à l’époque où il était aux affaires. De la même manière, ses pairs de la Coalition font pression pour qu’il se remette au travail, en assumant, hors élection, le leadership conféré par une dizaine de pairs. Marcel Yondo, Issa Tchiroma, Hogbe Nlend et d’autres font pression. Il semble d’ailleurs que certains parmi eux chargent Théophile Yimgaing Moyo, responsable de la Communication du parti de M. Ndam Njoya à l’époque, de convaincre son patron afin qu’il sorte de sa léthargie et travaille dès l’instant à une vraie stratégie en vue de la Présidentielle de… 2011. Rien n’y fera. L’homme du parti de la hou va s’enfermer dans son Noun natal. Jusqu’à sa récente candidature en solitaire. Sept ans plus tard.

Voilà le chat qui… salive…
Vingt années ont passée depuis les législatives et la Présidentielle de 92. Les mêmes leaders envisagent, pour la plupart et pour ce qu’il en reste, en solitaire une fois de plus, de demander le suffrage de ce peuple maintes fois trahi dans le sang et la douleur. Avec la même impréparation et les mêmes atermoiements. Les mêmes dilutions dans le discours éculé. Emasculé. Et ce je-ne-sais-quoi de dichotomie qui n’autorise aucune illusion.

Après avoir passé son temps à jouer entre le « semi-clair » et le « total-obscur », Ni John Fru Ndi et son Sdf (qui ne fait plus vraiment illusion) ont récemment opéré un revirement spectaculaire. Après avoir claironné plusieurs mois durant qu’ils n’iraient pas à l’élection tant que le pouvoir restait sourd aux conditions par eux posées au sujet de l’organisation d’une élection libre et transparente, après avoir assené qu’ils n’iraient pas à des élections dont les résultats sont connus d’avance, ils ont récemment appelé, la queue entre les jambes et à de deux semaines de la clôture des listes électorales, militants et sympathisants à aller s’inscrire. Retrouvant la position de certains cadres qui, plus lucides, pensaient, plusieurs mois auparavant, qu’il fallait arrêter de jouer de dilatoires et de contradictions pour bâtir, enfin, une stratégie de terrain, travailler les masses et organiser de manière plus cohérente le respect de l’expression du vote des Camerounais.

Après moult hésitations (?), M. Fru Ndi a finalement fait déposer sa candidature à la prochaine Présidentielle. En tordant le cou aux textes de son parti sur la question d’une investiture dont rien n’empêchait qu’elle fut organisée à l’occasion d’un congrès comme le stipulent les textes de son parti. Bien sûr que le Sdf a eu tout le loisir, en sept ans, d’organiser le congrès ainsi bâillonné par des leaders qui ne mesurent évidemment pas combien une telle attitude peut être en contradiction avec ce qu’ils essayent de faire croire depuis une vingtaine d’années. Peut-on parler de démocratie, d’ouverture du jeu politique ou revendiquer des principes démocratiques en étant soi même allergique à la concurrence ?

Le Rdpc a ses militants candidats à la candidature qui décèdent à quelques mois de l’échéance, ses militants démissionnaires du portefeuille de la Santé qui passent par la case prison dès qu’ils convoquent la presse pour faire état de leur intention de se présenter et ses militants de base embastillés dès qu’ils annoncent, même pour amuser la galerie, leur intension de postuler à la présidence de ce parti.

Dans ce registre, le Sdf n’est pas mal doté du tout. Entre potentiels candidats agressés à mort à Yaoundé lors d’une réunion de cadres, les victimes à la pelle du fameux couperet portant le numéro de série 8.2 et les pestiférés coupables de demander l’organisation de primaires, il y en a pour tous les goûts.

Peut-on, sans risquer de paraître sclérosé, décider d’aller de manière cavalière à une élection dont on a passé les temps à dire que ses résultats étaient connus d’avance. Homme pieux - il se rendrait à l’église tous les dimanches -, M. Fru Ndi espère certainement les bonnes grâces du Saint esprit. Pourquoi pas ? Les « voies » des « saigneurs » ne sont-elles pas insondables !

Peut-on aspirer à gouverner démocratiquement tout un pays en refusant, au sein de sa propre formation politique, de faire jouer le jeu démocratique ? Rien n’est moins sûr tant les actes de M. Fru Ndi donnent l’impression d’un gourou dont l’ambition ne vise guère plus que le statut confortable et avantageux de leader de l’opposition camerounaise. Promesse du Chef de l’Etat à Bamenda ? On l’a entendu jusque dans les couloirs du Sdf…

Depuis près de 20 ans, et malgré les efforts respectables de Jean-Michel Nintcheu à l’Assemblée, de Kah Walla (à l’époque où elle y militait) ou de Joshua Osi dans les médias, le Sdf n’a jamais cru devoir proposer à l’opinion des idées cohérentes et transcendantales reposant sur un projet clairement compris du grand nombre, à défaut d’une vision à terme exprimée avec efficience.

20 ans après les événements de Bamenda en 1990, combien de Camerounais connaissent le programme de gouvernement d’un parti responsable en grande partie de ces manques de sens politique et de cohérence qui caractérisent notre « opposition » ?

En 1992, M. Fru Ndi allait de ville en ville avec la même image de cet enfant de Nkolofata obligé de boire une eau boueuse en l’absence d’approvisionnement adéquat dans ce coin reculé du pays. Et cela émouvait. Toutefois et au-delà de la référence, a-t-il jamais pensé des solutions concrètes et comprises des Camerounais sur ce type de problèmes ? Ce parti, qui ne sait plus lever les masses comme en 90-92 peut-il, sans faire preuve d’inconséquence, espérer pour son candidat - pas tout à fait jeune d’ailleurs (70 ans) -, la moindre victoire le 9 octobre prochain ?

A cette Présidentielle, les voix glanées par M. Fru Ndi seront sans aucun doute arrachées à quelques nostalgiques, à des « tout sauf Biya » ou à des naïfs blousés par la médiocrité ambiante. Elles seront surtout usurpées à ces « petits candidats » porteurs pourtant d’une démarche nouvelle et qui travaillent depuis au moins une année à convaincre les Camerounais d’aller voter, pendant que l’homme de Ntarikon disait le contraire. Ça s’appelle de l’imposture. Et rien n’indique que cette attitude soit moins condamnable comparée aux charters électoraux du Rdpc.

Rendu à la veille du scrutin du 9 octobre prochain, interroger le jeu de M. Fru Ndi et de son bras armé Me Mbah Ndam dans les rapports concupiscents avec le Rdpc ne serait pas un pur exercice de style. Cela est au fondement même de la construction d’une nouvelle opposition que ne peut plus incarner cette vieille garde marquée au fer par ses échecs, ses compromissions avérées ou supposées, ses manquements et son incapacité à pouvoir imaginer des solutions intelligentes et réalistes dans la perspective de l’alternance.

Au fait, qui peut dire, face à une opposition qui a perdu beaucoup de crédit au sein de l’opinion publique, que le temps n’est pas venu de tourner la page des deux décennies passées, pour donner une chance à une nouvelle génération de leaders mieux structurés, mieux outillés et plus en phase avec notre temps.

Il n’est pas jusqu’à Ni John Fru Ndi lui-même qui ne l’ait pas compris. Lui qui annonce, sur le bout des lèvres, qu’il se présente pour la dernière fois cette année. Manière de supplique ? Votes par pitié ? Ou aveu ? Il n’était pas tôt. Partir ainsi, sans un geste fort en direction de l’avenir serait le couronnement de son absence de sens politique. Seule un passage de flambeau, à l’un(e) des candidat(e)s déclarés qu’il soutiendrait alors est à mesure de faire oublier ses errements. Et, ainsi, le ramener à la dimension de l’opposant courageux et déterminé d’il y a 20 ans.

Si les Camerounais sont cohérents, ils doivent pouvoir demander et agir de manière à envoyer à la retraite cette vieille garde qui commence à ressembler à des objets de musée. Ils doivent pouvoir le faire sans concession et avec le même recul dont ils font montre quand il s’agit du Président de la République en exercice. Refuser de le faire c’est cautionner 20 années d’impasses non pas dues uniquement au génie « manichéen » du parti-Etat. C’est continuer de donner carte blanche au manque d’imagination d’une opposition sans relief et bien des fois tenue par la survie de ses hommes.

Les contraindre à faire valoir leurs croix à la retraite
De ce quelque part en France où il se trouve, croulant, « cuit » comme l’aurait écrit Patrice Nganang au sujet du Président Paul Biya, Augustin Frédéric Kodock a fait commettre récemment un communiqué pour invalider les résultats d’une réunion de membres statutaires de « son » parti. Dans cette sortie promptement relayée par les antennes de la Crtv, l’homme qui aimait la queue du serpent fait savoir que l’Upc-K (comme Kodock) ne présentera pas de candidat à cette Présidentielle. Le parti, on le savait, est dans sa petite sacoche de cheminot manqué. Mais tout de même…

Sur le plan politique, sa position est l’aveu d’une allégeance jamais contredite au prince. A-t-il le choix, lui sur qui pèsent de lourds soupçons de détournements de deniers publics alors qu’il était tout puissant ministre de l’Agriculture et plus tard ministre du Plan sous un gouvernement… Biya ? Le Président candidat du Rdpc fait-il allusin à lui lorsqu’il martèle que sa lutte anti-corruption frappera sans distinction d’appartenance politique ? 2011 marque pour M. Kodock la fin de parcours à n’en point douter. Aux Mackit et consorts de redonner un nouveau souffle au parti. En ont-ils seulement la force et la capacité ? Plus simplement : le nationalisme qu’incarnent les différentes Upc aujourd’hui est-il encore en mesure de lever les foules au-delà de ces regroupements de cousins et petits amis nostalgiques ?

Dakollé Daïssala ne se fait guère d’illusion (s’en est-il jamais fait au fond ?). Peut-être fera-t-il ces jours une opportuniste sortie politique (il en a d’ailleurs fait sur M. Amadou Ali pendant que l’auteur révisait le présent texte), lui le notable qui sait que la réalité du terrain peut être difficile à digérer. Sa décision de ne pas se présenter au prochain scrutin est-elle signe d’une retraite politique attendue ? Jeudi dernier, n’a-t-il pas affirmé, à sa sortie de l’ouverture du congrès du Rdpc, que « Paul Biya [était] notre candidat commun » ! Avec qui donc ? Ses six députés offerts en 92 ? Ou d’autres au sein de « l’opposition » ?

Me Yondo Mandengue Black ? Il s’est peut-être définitivement muré dans le silence que doivent traverser déceptions et douleurs ? Hameni Bieleu a essayé ces jours de faire attendre son essoufflement dans une sortie sollicitée par certains médias au sujet des câbles de Wikileaks. Sans prendre le risque, fort heureusement, d’essayer de convaincre que son silence de ces dernières années correspondait à un investissement nourri de choses nouvelles.

Hubert Kamgang compte resservir à la télé (son meilleur et unique lieu de meeting ?), son discours sur une unité monétaire propre au Cameroun. Cette fois-ci, saura-t-il aller jusqu’au bout du livre référence de l’éminent économiste Tchuindjang Pouémi, en montrant de manière convaincante qu’il a dépassé le temps des incantations ?

Bello Bouba Maïgari est récemment allé à l’encontre du vote majoritaire de son bureau politique demandant la présentation d’une candidature Undp à la Présidentielle du 9 octobre prochain et, par ailleurs, la révision de l’accord de gouvernement signé avec le Rdpc il y a un peu plus de dix ans. Dans le Landernau politique de la capitale, sa posture ne surprend guère. Son confort personnel tient, dans le contexte incertain actuel, à la bienveillance du Prince. A-t-il d’ailleurs jamais eu l’intention de combattre ce dernier. Les faits qu’on appelle montrent que non. Beaucoup d’observateurs sont convaincus que son retour aussi précipité qu’ambigu au pays en 90 ne visait qu’une chose : « tuer » Samuel Eboua. Mission qu’il a réussie du reste. Est-il dans une position de rente ? Difficile à dire. Ne vaut-il pas mieux un strapontin ministériel que rien du tout. Ne vaut-il pas un fauteuil douillet au congrès du Rdpc, puisque le même exercice pourrait s’avérer périlleux à l’Undp ?

Mboua Massock est toujours prêt pour le combat. Et jamais économe en marches sur plusieurs kilomètres. Si l’homme force l’admiration et l’estime pour son courage et son abnégation, il n’a jamais rien fait pour se donner le profil de l’emploi, au point de passer pour un amuseur public si friand de ces pick-up de la gendarmerie dont il connaît les moindres recoins.

Il vaut mieux ne pas demander quel rôle compte jouer Adamou Ndam Njoya dans tout ce salmigondis. Certains confrères témoignent de ce que la veille du Congrès du Rdpc, il en était à se demandé, plutôt préoccupé, s’il devait répondre à l’invitation adressée par ce parti. Prince respecté, chantre de l’éthique dans la vie et en politique, il n’a jamais véritablement travaillé, comme mentionné tantôt, pour sortir de son Noun natal. Bon technocrate mais mauvais tribun, trop policé, il ferait difficilement le poids. Disons-le de manière directe : si au bout de tout ce temps il n’a pas su transformer en force le crédit qu’on lui donne sur la base de faits d’armes dont ne se souviennent pas nombre de ces jeunes qui représentent 50% de la population du Cameroun aujourd’hui, c’est qu’il a choisi le chemin des archives plutôt que celui de l’avenir. C’est qu’il n’a pas trouvé ce génie qui le mette sur le piédestal de ces êtres « surhumains » qui savent se coudre ou se façonner cette mystique dont se vêtent les hommes de pouvoir. On peut d’ailleurs interroger le fait qu’il n’ait pas trouvé, en dehors de son épouse, d’autres voix pour représenter son parti à l’Assemblée nationale. Aussi compétente fut-elle, ce choix a achevé de convaincre plus d’un de l’incapacité de l’Udc à sortir du cocon familial pour s’affirmer comme un parti d’envergure. Qu’il ne sera peut-être jamais.

Après avoir longtemps compté parmi ces rares opposants - parmi lesquels Bernard Muna, Maïdadi Sadi, etc - qui refusent toute collaboration de nature à les associer au bilan du Rdpc, Garga Haman Adji a fini par accepter un poste à la Commission nationale anti-corruption (Conac). Une louable initiative dont on attend cependant de voir le fruit du travail. Jamais à court de critique, « le chasseur de baleines » a récemment fustigé, comme à son habitude, le laxisme d’Etat avant de demander sur les antennes de la Crtv à son « grand frère Paul Biya » de quitter le pouvoir. Puis de conclure à peut près ainsi : « Avec moi, il est sûr qu’il pourra dormir tranquille, sans être inquiété ». Offre de services ou déclaration d’un homme lui aussi « cuit » par 20 années de fronde infructueuse ?

Maurice Kamto et ses « 100 raisons pour lesquelles Biya doit partir ? » Après avoir espéré longtemps que le peuple pense dans l’urgence, il enseigne et se contente de sa position de ministre délégué dans le gouvernement Rdpc. Plus que brillant universitaire, homme respectable dans la vie, son crédit à l’intérieur du pays et à l’international a fait penser ici et là-bas qu’il pouvait être le type d’homme qui porte le Cameroun avec des chances de le transformer. Seulement, ses ambitions ont-elles véritablement été ailleurs qu’à l’international ? L’opposition à laquelle il a prêté sa science, son énergie et son flegme a-t-elle su lui faire jouer un rôle déterminant ? Il y avait pourtant de quoi faire ou construire autour de cet enseignant autant adulé par ses milliers d’anciens étudiants que par la Bayam Sellam friande de ce type de profils. Au fait, s’est-il lui-même mis un jour en situation de suggérer cet élan ?

Célestin Monga ? Il semble qu’il lorgne, espérant un appel du peuple qui le précipite dans l’arène. Ses amis pensent, à raison sans doute, qu’avec un peu de courage, une bonne démarche de terrain et sa verve habituelle, il aurait pu faire sensation, entouré par une génération galvanisée de quadra-quinqua. Pour l’instant, il est tranquillement « couché » à New York, priant certainement pour que s’opère l’alternance. Il n’a peut-être pas tort dans un environnement où le manque de maturité politique, les pesanteurs tribales, trahisons et immaturités pourraient transformer ses efforts en cauchemars. Mais peut-on souhaiter ardemment le changement, montrer son hostilité vis-à-vis du régime et, en même temps, se contenter d’un « exil » loin du terrain des opérations ?

Avant le rejet de sa candidature par Elections Cameroun, il est presque certain que Anicet Ekanè ne se faisait aucune illusion quant à son sort à la Présidentielle prochaine. Imaginer le contraire pourrait ressembler à de l’esbroufe. Le rejet de sa candidature sera une occasion de fustiger et de crier à l’injustice. Ou de menacer comme il le fait ces jours derniers. Avec quelle résonance ? Si on ne peut pas montrer qu’il lui aurait été difficile dans le contexte actuel d’atteindre son surprenant 5% de 2004, on peut, a contrario, s’interroger utilement quant à sa base électorale et les actions entreprises sur le terrain pour maintenir le liant avec cette jeunesse universitaire qui fut jadis sa base électorale.

Candidat déclaré, Jean-Jacques Ekindi sera de la partie. L’homme a gardé sur l’imaginaire collectif un mélange de respect, de dignité, de courage et de méthode. Seulement, ce polytechnicien peut-il, venu le temps de la campagne, opérer la mue magique de la fascination captive ? Rien n’est moins sûr. Entre programme structuré et verve, l’électeur africain a vite fait son choix. Choix souvent déterminé par l’envergure - qui ne lui manque pas -,  la puissance des réseaux - dont il est crédité à l’international -, et le relief des hommes et femmes qui vous entourent - son point faible. 20 ans après, Jean-Jacques Ekindi ne donne pas l’impression d’avoir transformé en avantage solide sa réputation d’homme capable de porter le destin du Cameroun. Tout au plus donne-t-il à cette bonne partie de l’opinion qui l’apprécie, l’impression d’un cavalier déterminé mais seul face à un adversaire qui dispose de la machine d’Etat. En tout état de cause, une place honorable pour cet opposant modéré au prochain scrutin serait un gage d’espoir pour une refondation de l’opposition. Refondation qui pourrait alors s’opérer avec ou autour de lui. Pourquoi pas ? L’opinion ne le compte-t-il pas parmi les hommes rares hommes dignes de notre microcosme politique !

Au rendez-vous du 9 octobre prochain, une flopée de candidats est annoncée. Des plus illuminés aux plus improbables. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour qu’ils ne soient pas une cinquantaine, voire une centaine. Au-delà de l’aspect inédit de la situation, moquée tant elle participe davantage de l’ubuesque, ce foisonnement adresse de manière claire l’état clinique d’une opposition non plus seulement explosée, mais mieux encore, irresponsable et indigne de mériter, d’un certain point de vue, quelque once de crédit.

Par ici la boucherie
Comme en 92, éclatée, affaiblie, mal préparée et parfois surprise par les échéances, cette opposition-là s’apprête à aller à la « boucherie » comme elle le confesse elle-même directement ou indirectement, pour justifier sa défaite programmée.

Il n’y a aucun doute qu’elle sera laminée face à un candidat du Rdpc qui à l’avantage de la machine d’Etat. Et en 2011, le dilatoire de certains « leaders », la coloration d’Elecam et le rôle de l’administration ne peuvent plus suffire à cacher l’irresponsabilité, les tares, les échecs et l’incapacité de la plupart de ces « leaders » à éduquer les masses ou à préparer des échéances annoncées de longues dates.

Aux candidats en lice pour la Présidentielle du 9 octobre, le politiste Stéphane Akoa a récemment adressé une série de questions, simples, concrètes tout en étant pertinentes. Les réponses permettraient de voir clair, de faire la différence entre le vrai et l’ivraie, les cohérences et les impostures, les forces de proposition et les propagandes sur des questions essentielles.

« Pour ces sujets [parmi beaucoup d'autres] écrit-il, il faudrait savoir, d’un, quelles solutions sont préconisées par le candidat ; deux, quels moyens y seront consacrés dans le futur budget ; et trois, quel type d'entité devrait gérer chaque sujet [un ministère ?! Un ministère délégué ?! Un secrétariat d'Etat ?! Une agence gouvernementale ?! Une mission interministérielle ?! Un établissement public ?! Une commission parlementaire » ?

Quid donc de « l'assurance maladie universelle, des cursus de l'enseignement secondaire, de l'orientation scolaire, des examens et concours, du système Lmd à l'Université et la formation professionnelle, de l'enseignement technique et la formation continue, des échanges universitaires et la coopération universitaire, des métiers manuels et l'artisanat, du financement de l'entreprenariat privé, des établissements de micro-finance et l'économie solidaire, des pépinières de Tpe ( Très Petites Entreprises) et autres mécanismes d'accompagnement, des pépinières de Pmi-Pme et autres mécanismes d'accompagnement, du plan 8/8 [ramener le taux de chômage à moins de 8% en 8 ans], des conventions collectives et la couverture sociale des salariés, des infrastructures de loisirs, du service aux personnes âgées, des mères célibataires, des enfants de la rue, des violences faites aux femmes, de l'utilisation des matériaux locaux et la valorisation des produits manufacturés localement, de la vie carcérale et la situation dans les centres de détention, de la protection du consommateur, de la simplification des procédures administratives, de la valorisation du patrimoine, du soutien à la vie culturelle, des infrastructures culturelles, de la protection du droit d'auteur et la lutte contre la piraterie, de l'apprentissage des langues, de l'informatisation de la société [accès pour tous à Internet et développement de la e-administration], des nouveaux fronts pionniers [production agricole, génie logiciel, centres d'appel/service clients,...], du développement du réseau routier et autoroutier [Est-Ouest/Nord-Sud] et du réseau ferroviaire, de la construction de logements sociaux, de l'amélioration de la compétitivité, de la réforme de la Fonction publique [mode de recrutement, mode de gestion des carrières, système de la solde, lutte contre les mauvaises pratiques...], des mécanismes de suivi-évaluation de l'action publique, de la réduction du déficit d'énergie, de l'arrimage au système financier global, de la révision des procédures des marchés publics et des procédures du Bip (le Budget d'investissement public), etc ». Bref, ces petites choses qui habitent et préoccupent les Camerounais au quotidien.

Au cours de la campagne qui s’ouvre dans quelques jours, il serait intéressant, dans les médias et sur le terrain, d’adresser ces questions, fondamentales dans leur apparente simplicité, à des candidats qui confondent, pour beaucoup d’entre eux, programmes structurés et estimés, à promesses sommaires, envolés et logorrhées emphatiques ou professions de foi suspectes.

Les réponses de notre opposition seront alors, à défaut de convaincre sur des choses concrètes, l’occasion de peser, soupeser et, dans la mesure où leurs propositions ainsi formulées convainquent, le gage d’un contrat nouveau avec un peuple révolté par 50 ans « d’inertie ». Peuple qui, à force de déceptions de toutes parts, s’est comporté, à l’occasion des scrutins successifs après 1992, comme s’il avait définitivement entériné le réflexe de ce « vaut mieux le connu que l’incertain » au cœur du discours des gouvernants.

Du Rdpc au « Rassemblement désorganisé des partis de la capitulation »
En réaction aux « grandes ambitions » de Paul Biya, nos leaders ont embrigadé l’opinion dans un débat de cochers où hilarité rivalise avec l’espoir de la non matérialisation de ces projections. Impitoyable face à ses détracteurs, jouant de la faiblesse conceptuelle de ses prétendus rivaux et de notre incapacité à interroger les mots pour leur donner sens avant de les verser au débat, ce Président candidat a, jeudi dernier, 15 septembre à l’occasion de l’ouverture du 3e congrès ordinaire de son parti (en 27 ans c’est vrai), tenu à préciser, sous forme de boutade applaudie à tout rompre, que ses fameuses « grandes ambitions » précédaient en réalité de « grandes réalisations ». On attend de voir, se gausse-t-on dans l’opposition. Mais qu’y propose-t-on, ne serait-ce que pour faire illusion ? « La critique aisée » répondent des gouvernants conscients de ce que les propositions de l’opposition sont soit inexistantes, soit inaudibles.

Au lieu d’ouvrir le débat sur la pertinence de ces projets annoncés ou en cours de réalisation, sur leur impact réel ou supposé sur l’environnement et le développement économique du pays par exemple ; au lieu d’ouvrir le débat sur les priorités du moment, sur les questions telles que la formation dans le secteur de l’exploitation minière et des métiers connexes à ces réalisations, sur la lutte contre la corruption, entre autres, l’opposition priorise dans son discours l’anecdotique. Bref, ce qui fait sensation plutôt que ce qui contribue à la structuration d’un imaginaire collectif qui, faute de disposer d’éléments déterminants et décisifs pour sa culture citoyenne, est par trop des fois porté sur l’artificiel. Dans ces circonstances, Paul Biya sera toujours applaudi à tout rompre lorsqu’il traitera, de manière inélégante - c’est selon -, ses contempteurs de « vendeurs d’illusions », « oiseaux de mauvaise augure » ou encore « monumenteurs » spécialistes de « la péroraison creuse », nouvelles formules servies l’autre jour au Palais des congrès, et dont la rue se saisira comme à l’accoutumé pour essayer de distraire son ennui et sa désinvolture.

A ses contempteurs qui comptaient sur la mobilisation des jeunes pour venir à bout de près de 30 années de biyayisme, le candidat naturel du Rdpc annonce une cure de jouvence au sein de cette formation politique tentaculaire. A cette annonce, en trompe l’œil c’est vrai, que propose une opposition vieillotte dans un environnement où il est arrivé à plus d’un pourfendeur du système de changer radicalement de bord du seul fait d’une position avantageuse conférée par un pouvoir d’Etat qui sait jouer de ses avantages pour recruter ou discipliner les plus frondeurs ? Fru Ndi, Ndam Njoya, Garga Haman Adji et le reste de la bande de 90 ? Non ! Merci !

Au sein de notre « opposition », il y aurait ceux qui comptent sur la France et ses alliés occidentaux pour convaincre Paul Biya de passer la main. Trop tard, de toute évidence. Il ne le fera pas visiblement avant d’être réélu. On fait comment alors ? On explique quoi à cette opinion publique à qui on a fait miroiter, à force de rumeurs puériles, cette hypothèse inimaginable ? « Il exercera le pouvoir pendant un ou deux ans et passera la main à Sadi qui fait l’unanimité au sein d’une grande partie de l’opinion ». Soit ! Comment l’opposition se prépare-t-elle à cette curieuse éventualité de transfert du pouvoir par désignation constitutionnelle ? A cette pression qui, du Rdpc à l’opposition presse un Président sur la fin, d’organiser sa succession. Entendre, commencer à passer la main en donnant des indications sur le profil ou l’identité de son successeur. Bonjour la démocratie !

Au sein de la même opposition, il y aurait aussi ceux qui espèrent une situation insurrectionnelle avec des issues semblables à celles de la Tunisie, de l’Egypte ou de la Libye. Surréaliste ! Il faut en combattre jusqu’à l’idée, convaincu de ce qu’il reste dans notre pays de la place pour une alternance par les urnes. A condition de se montrer à la hauteur. Le contraire est un aveu d’absence d’inventivité et de solutions crédibles qui décident une majorité de Camerounais. Il faut s’ériger contre ce discours des armes, tant il peut vouloir faire dire aux générations actuelles et futures que les Nigériens, par exemple, nous clouent au pilori de la créativité, de l’inventivité, de la prise en main de leur destin.

Penser et faire croire que 20 ans après 90 une alternance par la voix des urnes relève du mythe de Sisyphe est un aveu d’échec. Echec dans la manière de faire de la politique. Echec dans les choix stratégiques. Echec dans les rapports avec le peuple. Echec des visions à court terme et de la trop grande prégnance des équations personnelles dont on connaît la plupart du temps les ressorts : un bout de pain sous les lambris de la République.

Le score du candidat du Rdpc risque d’être fleuve le 9 octobre prochain. Par tricherie (généralement tout le monde s’organise pour tricher comme on l’a vu aux Etats-Unis avec les frères Bush). Ou dans les règles (au fond, le Rdpc a-t-il vraiment besoin de tricher face à une opposition démantelée ?). Une opposition unie, structurée et crédible aurait pu limiter les dégâts, à défaut d’opérer une magie sur le peuple désillusionné. A ce propos, il n’est pas inutile de rappeler cette question qui revient souvent à l’esprit des Camerounais : « Il y a même qui en face ? »

La candidature d’un Fru Ndi au message et à l’image brouillée et sérieusement écornée illustre l’inertie d’une opposition qui n’a pas su faire émerger en 20 ans (en dehors peut-être de la très visible Kah Walla pour ces élections), de nouveaux leaders à même de peser sur la scène nationale et internationale. A ce titre, on peut d’ailleurs faire remarquer, à l’intension de ceux qui pensent que le pouvoir use et que l’homme du 6 novembre doit prendre sa retraite, qu’il n’y a pas grande différence, en termes de présidence à vie, entre un Biya (78 ans) à la tête du Rdpc depuis 26 ans et un Fru Ndi (70 ans) qui tient fermement les commandes du Sdf depuis 20 ans. Fru Ndi est ainsi une illusion d’optique en ce que, « leader » d’une opposition fantoche, il brouille le jeu et participe de cette oligarchie qui mine les espoirs de la jeunesse. Ce qui, sur le plan personnel, peut être très rentable, qui sait ?

L’opposition est morte, vive l’opposition
Candidate au prochain scrutin du 9 octobre, le cas d’Edith Kah Walla fournit du matériau à l’idée selon laquelle un travail à terme sur le terrain peut porter des fruits. Parmi les stratèges du Sdf jusqu’à sa démission en début d’année et promotrice dans le civil d’un respectable cabinet de stratégie, elle a pris les commandes d’un petit parti qui l’a investie après son départ de la formation politique de ses débuts. Apparue au devant de la scène il n’y a pas si longtemps que cela, elle a su l’occuper depuis ce temps-là, gagnant le pari de la renommée avant de s’engager, pas à pas, à faire adhérer le plus grand nombre à sa démarche comprise par ce beau petit monde qu’elle prend le temps d’aller convaincre en faisant des fois du porte à porte. Entre 15.000 et 20.000 adhésions déclarées en moins d’une année pour le CPP que « personne » ne connaissait auparavant. Des représentations dans les dix provinces et la formation de scrutateurs pour protéger le vote. Présence remarquable sur les réseaux sociaux et diffusion de sa vision du Cameroun. Des initiatives simples et une mutualisation des efforts à travers sa démarche vis-à-vis d’acteurs de différents horizons qui participent de ces détails qui peuvent changer des postures. Des contacts à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Une base jeune à laquelle elle transmet son énergie, sa foi et sa vision à long terme. Bref, le « basic » qui manque à la plupart des formations de l’opposition : idée, structuration, adhésion, projection.

L’intérêt de la presse à son endroit n’est pas un fait du hasard. La jeune dame de 46 ans est un sujet intéressant en cela qu’elle incarne, dans notre environnement, une manière de faire de la politique en mêlant fermeté, rigueur, mutualisation et projection. Pour de nombreux observateurs, elle pourrait constituer l’un des enjeux de ce scrutin : les promesses de sa présence sur le terrain seront-elles concrétisées par une place devant un Fru Ndi qu’elle mettrait ainsi en retraite politique ? Elle a pour elle l’atout de la jeunesse. Lui restera, lors de la campagne qui s’ouvre, à convaincre l’électorat par la force de ses propositions, sa posture et la magie des mots. De sorte à rappeler, à ceux qui hésitent ou la chercheraient dans une foule, qu’en matière de lutte, David n’aurait jamais vaincu Goliath si le tout ne dépendait que de la taille.

Si elle réussissait ce pari, elle se destinerait certainement à un rôle déterminant sur une scène politique nationale où il sera difficile à l’opposition actuelle de faire mieux sans investissement important dans sa structuration. Et son crédit.

Et ce crédit perdu, l’opposition nouvelle ne peut le reconquérir qu’après quelques préalables : organiser ses états généraux pour la période 90-2011 ; expliquer comment elle a toujours été aussi désunie en évitant, bien entendu, le lieu commun d’un pouvoir qui divise (ne divise-t-il pas parce qu’il y a justement eu de tout temps une clientèle propice en face) ; expliquer comment elle a réussi à couper la tête à toute cette gamme d’intellectuels de qualité qui lui ont proposé leurs sciences avant de se faire exploser par le Sdf de Fru Ndi et l’Udc de Ndam Njoya aux commandes de la guillotine.

Ce moment de catharsis pourrait être aussi le lieu d’auditer la gestion trop souvent brumeuse de partis si prompts à demander un minimum de transparence dans la gestion des affaires de l’Etat, mais si peu enclins à le faire dans leurs propre formations politiques. Combien de leaders de l’opposition, dont ceux présents à l’Assemblée et exerçant de fait un mandat, se sont-ils cru obligés, même pour le principe, de déclarer leurs biens ? Combien de partis auditent leur gestion financière et communiquent aux militants ou à l’opinion, l’état de leurs comptes ? Combien de formations ayant bénéficié au cours de ces dernières années des aides de l’Etat ont fait preuve de transparence en communiquant le bilan comptable lié à l’utilisation de ces fonds publics ? Combien de députés de l’opposition dressent rigoureusement les sommes importantes qu’ils reçoivent au titre de microprojets ? Combien s’offusquent de cette incongruité ? Peut-on « oublier » de le faire pendant qu’on est dans l’opposition et convaincre qu’on le fera parvenu au pouvoir ?

Il faut parler par l’agir. Il faut agir dans l’urgence pour l’émergence d’un contre-pouvoir à mesure de peser dans la vie publique. Il faut élargir le spectre des ressources à même de travailler à la mutualisation des efforts dans un contexte culturel où il n’est pas jusqu’à nos pratiques de la tontine ou de la vie communautaire pour nous enseigne qu’un héro triomphe rarement seul.

Dans la mesure où les ténors souvent corrompus et incapables investissaient pour freiner ce renouvellement souhaité et salutaire, il sera du devoir de « la jeune garde » d’impulser et de fédérer les énergies autour d’un nouvel idéal. D’une opposition nouvelle.

Il est urgent d’impulser une dynamique nouvelle (en réponse à la nouvelle dynamique du Rdpc), avec un peuple qui accepte dès lors d’abandonner maquereaux et whisky en ensaché pour adresser un message à sa classe politique.

A la Présidentielle prochaine, il faut faire acte de salubrité publique en sanctionnant les caciques de l’opposition de manière à donner droit de cité à l’espoir. A permettre, au lendemain de ce scrutin, l’indispensable état des lieux de l’opposition à travers un forum dont l’objectif serait de constituer, par exemple, un gouvernement parallèle, fonctionnel et généreux en perspectives pour le Cameroun.

Dans l’un de ses articles à l’époque où il dirigeait Les Cahiers de Mutations, Pierre Fabien Nkot faisait le constat selon lequel au Cameroun, l’on avait évolué du parti unique vers une pluralité de partis uniques. Difficilement attaquable en 2004, l’analyse perspicace peut toutefois, sept ans après, être nuancée au regard du jeu de certains membres de notre opposition. La plupart de ses « leaders » ont-ils jamais cessé d’être en réalité des réseaux dormants, des caisses de résonance, des postes de péages, des officines camouflées ou des chefs d’antennes privatisées du parti au pouvoir. A ce propos, il faut interroger les programmes proposés et l’organisation structurelle des plus de 200 ( !) partis d’opposition au Cameroun. A bien des égards, ils fonctionnent sur le modèle des copies amendées des textes et règlements du parti des flammes.

Il faut mettre un terme à la facilité des cavaliers - que dis-je - des prébendiers solitaires. Il faut mettre les leaders d’aujourd’hui face au défi visiblement insurmontable de cette fameuse candidature unique qui montre, en tout état de cause, la faillite même de leur rapport à l’unité. Et à l’unité nationale tout court. Candidature qui pourrait émaner d’un vote tous azimuts de Camerounais via Internet (pas facile à opérer), d’une sorte de primaires entre candidats déclarés ou d’une entente entre candidats qui s’engageraient dès lors à s’investir dans le soutien de ce porte-fanion d’une nouvelle manière de faire de la politique.

En Côte d’ivoire, Alassane Dramane Ouattara a recouru à une coalition solide pour permettre l’alternance. A ce propos, il n’est pas inutile de faire remarquer que le Président Bédié, ennemi d’hier, a été déterminant. Au Sénégal, les frontières tombent entre des opposants au pouvoir convaincus qu’il n’y a pas d’autre issue face à un Abdoulaye Wade dont les intentions de s’éterniser au pouvoir menacent les acquis. En RD Congo, l’opposition est dans la même logique. Morgan Swangiraï est à la tête d’une Coalition au Zimbabwe. Le parti socialiste divisé a permis à Jean-Marie Le Pen de figurer de manière « traumatisante » au deuxième tour d’une élection Présidentielle en France.

Si chez nous une candidature unique ne garantit pas le succès final à cette Présidentielle, elle peut tout au moins ouvrir bien de perspectives : montrer une opposition unie comme elle ne l’a jamais été ; créer possiblement une onde de choc qu’entraînerait indubitablement ce fait inédit ; donner du sel à cette joute Présidentielle ; libérer les énergies nouvelles pour une rénovation de la pensée et de la pratique politique ; préparer l’avenir ; redistribuer les cartes dans un processus de décomposition-recomposition du paysage politique ; façonner dans les esprits l’idée d’un front uni qui, à l’occasion des législatives de l’année prochaine, pourrait permettre un meilleur rééquilibre des forces en présence au parlement ; cultiver ce pragmatisme qui fait tant défaut à nos leaders dans leur lecture des rapports de force en présence ; redonner le goût de la politique à cette frange de Camerounais qui ne se seraient pas inscrits sans la campagne organisée pour la circonstance par le Rdpc et quelques partis et organisations de la société civile ; construire les bases d’une opposition plus forte et audible regroupée autour d’un homme ou d’une femme qui travaillerait à l’émergence de nouveaux leaderships ; travailler le projet d’une opposition parlementaire ou extra parlementaire qui opérerait à la façon d’un gouvernement fantôme comme en Grande Bretagne, avec des contre-propositions de lois et une meilleure utilisation des médias pour diffuser la pensée et éduquer les masses ; mutualiser les forces face à un pouvoir si fort de ses avantages qu’il est illusoire de penser qu’incantations et bals de pleureuses suffiront à l’ébranler ; apaiser et pacifier le jeu politique ; donner plus d’envergure au débat politique qui cesserait dès lors de concerner les cacahuètes pour se hisser sur les terres des idées audacieuses sans lesquelles rien n’est possible ; dédramatiser les rapports de force entre partis concourant à l’exercice du pouvoir ; travailler pour un assainissement des rapports entre personnels politiques de tous les bords, condition sine qua non d’une nouvelle dynamique qui ne doit pas être le seul apanage d’un Rdpc en marche pour l’après Biya ; se mettre dans une nouvelle posture d’adresse, où les idées viennent chasser définitivement le vacarme creux de la plupart des débats actuels ; décrisper le jeu politique pour l’assainir de manière à donner une chance, non pas au « pousse-toi que je m’y mette », mais à la splendeur des propositions construites pour notre pays.

Le recours à l’alibi permanent ne pouvant pas éternellement constituer un fond de commerce politique, il faut travailler en vue d’une opposition nouvelle, moins nihiliste et donc pragmatique, moins alimentaire et donc dévouée, moins brouillonne et donc structurée, moins prise au piège de leaders qui ont transformé leurs partis en comptoirs et le peuple en spectateur affligé de ce cirque ubuesque qui dure depuis 1990.

« On peut tromper une partie du peuple tout le temps. On ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps », rappelait Célestin Monga un soir des années chaudes. Le temps a passé. Sa lettre est tellement restée ouverte qu’on ne courra pas le risque d’une violation de correspondance en suggérant au destinataire d’hier - le pouvoir - d’en produire une copie aux expéditeurs de l’époque - l’opposition. On en fera ampliation à ce peuple qui, ici comme ailleurs, mérite autant les dirigeants qu’il a, que ces opposants éclopés auxquels il a abandonné ce qu’un être normal devrait avoir de plus obnubilant : son destin.

Lors de la conférence de presse de lancement officiel de son parti il y a quelques jours à Yaoundé, Théophile Yimgaing Moyo s’est libéré des nœuds d’hier. Ancien responsable de la communication du parti de M. Adamou Ndam Njoya, il est amer. Trahisons, manque de sens politique, égoïsmes, absence de structuration sont autant de tares qui fondent sa conviction selon laquelle, il n’y a rien à espérer de l’opposition sans un cadre plus concerté entre leaders et un préalable sacramentaire autour des idées neuves et honnêtes.

« Aujourd’hui nous constatons que l’Ethique n’est pas seulement morte et enterrée dans presque tous les partis politiques mais aussi, dans l’ère du Renouveau », écrit le Président du tout nouveau Mouvement citoyen (Moci). Et d’analyser : « Au Cameroun, comme dans beaucoup de pays d’Afrique noire, ceux qui, en créant des partis ont voulu s’emparer du leadership nous donnent l’impression qu’ils sont entrés en politique avec un déficit d’analyse politique ; de connaissance historique ; de maîtrise des normes de la modernité ; de vision nationaliste et patriotique. C’est pourquoi depuis 20 ans, nous vivons cette comédie de la démocratie, de la gouvernance et du théâtre où le souffleur se trouve ailleurs, en Europe, en Amérique, en Russie et peut-être bientôt en Chine, après qu’il a transhumé par Moscou. »

Alors que depuis 2004, il n’y a pas eu de doute sur la tenue, cette année, de l’élection Présidentielle, alors que la modification de la Constitution augurait au moins d’une candidature du chef de l’Etat en exercice, alors que certaines chancelleries en avaient confirmé le fait par des protestations relatives à une éventuelle candidature de l’homme du 6 novembre 1982, postures de diplomates reprises de dîner en dîner et de salons feutrées en laboratoires de la parole piaculaire, certains ténors de cette opposition se montrent aujourd’hui comme surpris par l’échéance qu’ils n’ont visiblement pas préparé.

Le gouvernement a-t-il accédé tardivement à la demande du vote des Camerounais de l’étranger, que beaucoup parmi ces leaders ont passé le temps, à moins de 60 jours de la date du scrutin, à exiger l’improbable résolution du problème de la double nationalité. Alors qu’il restait peu de temps à nos compatriotes de l’étranger pour se conformer aux règles édictées en vue de ce vote à l’étranger, une partie de l’opposition, et de nombreux frères et sœurs ont tellement passé le temps à contester la référence à la carte consulaire qu’ils ont oublié d’inciter à ces inscriptions qui auraient pu être décisives dans la perspective du futur.

Dans le contexte international actuel, avec les pressions de l’étranger notamment, qui peut dire, sans prêter le flan à la spéculation des mauvais perdants, qu’un vote massif en faveur d’un candidat unique de l’opposition unie ne pouvait pas changer la donne et faire tomber le candidat d’un Rdpc qui, c’est vrai, n’est jamais autant apparu en ordre de marche ?

Comment peut-on être leaders de l’opposition, chef de parti politique ou leader d’opinion et douter de l’imminence de l’échéance de cette Présidentielle alors qu’une simple attention de l’état d’avancement des préparatifs au niveau d’Elecam aurait pu donner de bons indices. Les containeurs et stocks de matériel électoral auraient pu pousser certains à organiser au sein de leurs partis des investitures dans les règles, sillonner le pays pour se mettre en posture sinon de gagner, du moins de se montrer digne d’une stature Présidentielle qui manque définitivement à la plupart de nos leaders. Un point fermé dans le ciel ne pouvant plus suffire pour faire illusion.

La situation économique actuelle de notre pays, le taux de chômage exponentiel, la corruption, l’inertie, la place du Cameroun dans le monde, la clochardisation de l’élite, la vassalisation des intellectuels, les reculs dans différents domaines qui n’épargnent pas jusqu’au football, la démission souvent critiquée du chef de l’Etat ou à tout le moins son peu d’entrain à crever les écrans par le dynamisme de sa gestion ne sont pas uniquement dus à la gestion critiquable du pouvoir actuel. Le peuple amorphe, cleptomane et paresseux y a sa part de responsabilité. L’opposition et ses leaders en étant tout aussi coupables/responsables que le parti au pouvoir. Qui peut dire que le Président dormirait sur « ses lauriers » s’il avait eu en face des challengers sérieux, incisifs et dignes ?. Ils crient pour fustiger l’échec de ses politiques structurelles, ses longues absences ou sa fatigue due à un règne trop long. Qui peut dire que chacun de ces griefs ne s’applique pas à la vieille garde de l’opposition camerounaise ?

La fonction Présidentielle est définitivement de l’ordre du mythe. On ne peut pas accéder à sa mystique si l’on ne s’en donne pas l’envergure. Si l’on ne se place pas définitive sous ces colonnes qui d’est en ouest et du nord au sud, constituent la pierre d’angle de son Graal.

L’opposition est à blâmer. Le faire avec la tonalité choisie ici vise non pas à invalider ou à moquer l’investissement d’hommes et de femmes qui parfois ont risqué jusqu’à leur vie pour faire bouger les choses. Mais que sert-il de risquer sa vie sans prendre la mesure des enjeux ? A quoi sert-il d’investir si l’on ne met pas à son avantage toutes les chances de réussir ? Ou si on déploie tant de soi pour ne faire que ce qui amène à notre perte ?

Trop parler ce n’est pas voter
L’échec de l’opposition n’est pas à mettre sur son seul compte. Et encore moins sur le compte d’un pouvoir qui serait fou s’il ne mettait à son avantage ses atouts et atours en vue de perpétuer son règne.

Il est aussi le fait d’un peuple qui vit en grande partie et un peu trop entre son envie de mieux être, sa propension à la jouissance, sa famine qui donne lieu à toutes sortes de commerces, son indigence citoyenne, sa faiblesse culturelle, sa trop grande propension aux ragots, la démission d’une élite intellectuelle émasculée et une soif d’alternance qui s’étanche trop facilement à la fontaine des prébendes.

Ce peuple-là, j’en fais évidemment partie puisque je ne peux pas m’absoudre de la lourde responsabilité d’une presse qui, pour le gros de la troupe, s’est complètement dévoyée. Elle qui, dans notre pays, n’a jamais été autant à l’image d’une démocratie qu’il faut refuser de recevoir comme une manne ou un billet de 5.000 Fcfa au terme de la couverture d’un séminaire mal couvert. Elle dont une bonne partie du corps a cessé d’informer pour juger et servir de terrain aux règlements de compte les plus abjects, aux articles les plus fallacieux, aux desseins les plus nauséeux.

Toute avancée démocratique n’a de saveur que si elle transpire les convergences des peuples qui la rêvent, les luttes communes de ceux qui l’espèrent, la foi des hommes et des femmes qui la désirent. Rien qui se désire avec foi et envie n’étant inaccessible.

*Titre emprunté à une œuvre éponyme de Honoré de Balzac

1 commentaire:

  1. J'ai lu avec beaucoup d’intérêts cette tribune. Sans remettre en question l’analyse des faits, je vois dans la démarche autour du sujet plus de la lâcheté que tout autre objectif que l'on situerait par exemple dans une perspective analytique contributive. Tu critiques l'opposition exclusivement parce qu'il n'est pas risque de le faire. Le choix "sage"? Que tu fais de refuser de porter cette prétention exégète sur le sinistre pouvoir trentenaire de Biya est assez révélateur. le refus catégorique d'analyser sa gouvernance politique, ses méthodes, et la délicatesse avec laquelle tu choisis tes mots quand ils pourraient sonner comme critiques donnent bien cette impression la que le souci de maintenir l’ambiguïté quant aux responsabilités du système Biya t'habite profondément. Sinon comment expliquer que tu puisses boucler ce long texte en réussissant l'exploit de ne pas procéder à une caractérisation structurelle et fonctionnelle du pouvoir Biya,? Tu t'y ai refusé même pas dans une démarche de recherche et de compréhension ou d'explication de cette perte d'illusions comme tu le dis. Y compris dans le passage que tu titres "Du RDPC" tu te bornes a déclamer la toute puissance de ce parti. Pourtant dans la longue mise en contexte historique que tu effectues au début tu sembles chanter les louanges de l’irrévérence d'une société camerounaise des années 90 qui dit non dans tout ses compartiments politiques et civils dont journalistique notamment. C'est à se demander où est ce que tu ranges ce ton métier? S'il faut effectivement tenir rigueur à ceux qui ont décidé de venir éteindre un feu meurtrier parce qu'ils ne vont pas bien leur travail, on ne chante pas non plus entre les lignes les louanges du pyromane, parce que personne n'a encore réussi à stopper sa chevauchée macabre. C'est vraiment plus facile de critiquer l'opposition parce là au moins tu ne risques pas d’être fouetté, jeté en prison ou tué. Moi je pense en tant que citoyen, que l'ennemi de notre peuple est clairement connu et c'est vers lui que toute notre fougue doit être abattue. Pas exclusivement comme cela semble être le cas dans tous les sujets que tu traites, vers ceux qui même maladroitement essayent de se tenir en face. Dans un tel cas de figure tu ressembles beaucoup plus à un adjuvant des bourreaux plutôt qu'un preux de quelque noble cause.

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